La galaxie Stewart
En ce week-end britannique, Jackie Stewart prend une décision capitale pour son avenir : il signe un contrat de longue durée avec l'International Management Inc., une entreprise fondée par l'Américain Mark H. McCormack, spécialisée dans la gestion des carrières de champions de haut niveau. McCormack a déjà comme clients des vedettes telles que le skieur Jean-Claude Killy, le tennisman Rod Laver ou les golfeurs Gary Player et Jack Nicklaus. Il exploite commercialement leurs images à travers d'importants contrats publicitaires patronnés par des marques prestigieuses. Ainsi Stewart devient le premier champion automobile à être « administré » comme une star de cinéma. Il se transforme en véritable hommes d'affaires et devient l'ambassadeur d'une grande firme comme Ford ou vend son image à travers des publicités pour la télévision. Avec lui, la Formule 1 entre ainsi dans une nouvelle ère, celle du « sport business ». Les pilotes ne seront bientôt plus seulement des « gladiateurs des temps modernes », mais aussi des « hommes-sandwichs ». Déjà Colin Chapman a ouvert une brèche l'année précédente en repeignant ses voitures aux couleurs d'un grand cigarettier. Avec l'émergence des « mass médias », le sport automobile commence à s'internationaliser, attire des commanditaires et gagne en popularité.
Finaud comme un Écossais dès qu'il s'agit d'affaires, Stewart adopte même son apparence aux canons du moment. Voici ainsi comment le décrit le journaliste français Olivier Merlin : « Il a une silhouette « pop » tout à fait dans le vent de la ville : cheveux de naufragé tombant en rouflaquettes sur les oreilles, casquette à pont, gros camée sur l'auriculaire, cravate à fleurs, et « costard » tubulaire, l'extérieur d'un Rolling Stone en rupture de guitare. »
En parallèle, Stewart étend son influence sur les autres pilotes, ce qui lui permet de mener son combat en faveur de la sécurité. Il a ainsi joué un rôle crucial dans l'annulation du GP de Belgique en juin. Son cercle d'intimes comprend Graham Hill, qui demeure encore le pilote prédominant, Jochen Rindt, Chris Irwin et le jeune espoir anglais Piers Courage. Il entretient des relations cordiales avec son équipier Jean-Pierre Beltoise, ainsi qu'avec Jack Brabham et Bruce McLaren. En revanche, Stewart se heurte assez souvent à Jacky Ickx, Chris Amon et Pedro Rodríguez, dont la conception fataliste de la course automobile est radicalement opposée à la sienne.
Présentation de l'épreuve
Ce Grand Prix de Grande-Bretagne marque la moitié du championnat du monde 1969. Avec quatre victoires en cinq courses, Jackie Stewart ne paraît pas avoir de rival dans la quête de la couronne. L'Écossais et sa Matra-Ford-Cosworth survolent les débats au point d'écœurer la concurrence. Le Team Lotus semble seul capable d'enrayer cette marche triomphale, mais il perd du temps et de l'énergie à développer la 63 à quatre roues motrices. En outre, le seul pilote capable de se mesurer à Stewart, Jochen Rindt, frappé de malchance, n'a toujours pas inscrit le moindre point. Lotus place donc ses espoirs en Graham Hill, mais celui-ci apparaît quelque peu démotivé et surtout est nettement dominé par Rindt.
Matra amène deux MS80 et une MS84 à quatre roues motrices qui est placée en réserve. On constate l'apparition de deux petites dérives de chaque côté de l'aile arrière. Afin de préparer cette épreuve, Ken Tyrrell a planifié de longues séances d'essais à Silverstone avant le début des essais officiels.
Lotus apporte quatre voitures officielles, deux 49B et deux 63 4x4. Cependant cette fois-ci Colin Chapman ne veut pas réserver sa « quatre roues motrices » à son seul « cobaye » John Miles. Il a en effet fait son deuil de la saison 69, estimant Matra et Stewart irrattrapables, et désire donc poursuivre la mise au point de son nouveau modèle. Graham Hill et John Miles reçoivent chacun une 63, tandis que Jochen Rindt continue à faire de la résistance et s'agrippe à sa 69B.
Jack Brabham n'est pas rétabli et avait prévu de confier son volant à Dan Gurney, mais celui-ci est retenu outre-Atlantique par une course d'USAC et n'est pas remplacé. Les ailerons des BT26 sont maintenant munis de cloisons marginales en perspex afin de canaliser les filets d'air. A noter que jeudi matin, attendant que lui soit livrée sa Lotus, Graham Hill s'est autorisé quelques tours de roues dans la voiture de Jacky Ickx. La monoplace de Piers Courage, toujours bien préparée par les hommes de Frank Williams, arbore un capot/déflecteur en nids d'abeille.
Bruce McLaren et Denny Hulme utilisent leurs machines habituelles. Derek Bell se voit confier la M9/A, voiture à quatre roues motrices dessinée par l'ingénieur suisse Jo Marquart. Volumineuse, elle possède de plus gros réservoirs que la M7 car McLaren estime qu'une transmission à quatre roues motrices, en utilisant mieux la puissance, augmente aussi la consommation. Marquart affirme cependant que l'emploi d'alliages légers la rend moins lourde que la M7. Le moteur Ford-Cosworth est retourné comme sur les autres 4x4. La transmission est entièrement l'œuvre de l'écurie néo-zélandaise, mais elle va se montrer bien trop fragile. Enfin la voiture privée de Vic Elford possède une aile arrière inédite.
BRM est de retour. John Surtees pilote la nouvelle 139 dessinée par Len Terry. Cette voiture ressemble beaucoup à la 138 mais est plus légère et possède un train avant complètement rond. En outre le V12 a été retouché pour accroître la puissance à bas régime. Jackie Oliver conduit toujours la 133. Les deux monoplaces possèdent un nouvel aileron arrière.
Pour la première fois de l'année, Ferrari engage deux pilotes. Pedro Rodríguez rejoint Chris Amon. Las du retard technique de la Scuderia, Amon est de méchante humeur, d'autant plus que la patience n'est pas sa première vertu. Ses mécaniciens font les frais de ses fréquentes colères. Rodríguez conduit une voiture de 1968 possédant tout de même un moteur neuf et un système de lubrification retravaillé.
Ce Grand Prix voit le retour en Formule 1 de Jo Bonnier, engagé sur une Lotus 49 achetée à Colin Chapman, le modèle conduit par Richard Attwood à Monaco. Enfin, Silvio Moser fait l'impasse sur cette épreuve.
Le mardi, Trevor Taylor et Mike Costin essaient la Cosworth à quatre roues motrices lors d'une séance d'essais privés. Keith Duckworth a confié ce projet à Robin Herd avec l'accord de Ford. Herd a conçu une voiture monocoque au design révolutionnaire, arborant des formes particulièrement anguleuses. La carrosserie est en aluminium. La calandre affiche une taille démesurée tandis que d'énormes réservoirs d'essence sont fixés aux pontons. Un gros réservoir d'huile est placé juste derrière le pilote, ce qui est particulièrement incommode. L'ensemble est très laid. Au lieu d'utiliser la transmission de type Ferguson, Herd a imaginé un système original. Cependant l'aventure va tourner court : la Cosworth est incroyablement vicieuse, lourde, malaisée à piloter, au point que Taylor se brûle à son volant au bout de quelques boucles. Jackie Stewart la conduit pendant quelques tours avant d'abandonner, dégoûté. Devant ce désastre, Keith Duckworth annule l'engagement pour le Grand Prix de Grande-Bretagne, et la Cosworth 4x4 ne courra jamais.
La révolte de Graham Hill
Colin Chapman est décidé à contraindre Graham Hill à piloter une Lotus 63, par la force s'il le faut. Ainsi, il a vendu sa 49 au pilote sud-africain John Love. Hill arrive furieux à Silverstone et ne monte dans la quatre roues motrices le jeudi après-midi qu'à contrecœur. Il s'avère que ce modèle chauffe beaucoup et qu'en plus il n'a pas reçu les mêmes évolutions que celui de John Miles. Le ton monte entre Chapman et Hill qui reçoit évidemment le renfort de Rindt. Jeudi soir, l'élégant moustachu conclut un accord avec son ami Jo Bonnier pour échanger leurs voitures. Hill récupère la 49B et le Suédois se charge de la 63 ! C'est un acte de rébellion caractérisé. Fou de rage, Chapman est mis devant le fait accompli... Refusant de reconnaître que ses 4x4 sont ratées (les pauvres Miles et Bonnier s'en rendent compte très vite...), il s'enferme dans le mutisme. Puisque ses pilotes refusent de conduire les merveilles qu'il leur a concoctées, tant pis pour eux ! Il boude jusqu'à la fin du week-end et se désintéresse du Grand Prix.
Les qualifications
Pas moins de cinq séances, dont trois chronométrées, sont prévues pour ce Grand Prix de Grande-Bretagne. Le Daily Express qui patronne l'événement offre des primes à chaque pilote qui se placera successivement en haut de la feuille des temps.
Rindt s'applique à bien régler sa Lotus 49 avec son mécanicien Herbie Blash. Cela lui permet d'obtenir sa cinquième pole position avec un temps d'1'20''8'''. Vendredi après-midi, alors qu'il avait battu le temps de Rindt, Stewart a détruit sa Matra dans un accident à Woodcote. Contraint d'emprunter la machine de Beltoise, son meilleur chrono est annulé mais il obtient tout de même une très belle deuxième place. Hulme complète la première ligne. Son collègue McLaren est septième. En seconde ligne on trouve les deux anciens coéquipiers, Ickx sur Brabham et Amon sur Ferrari. Rodríguez est huitième pour ses débuts avec la Scuderia. Il y a du mieux chez BRM : Surtees se hisse au sixième rang avec sa nouvelle monture. Oliver n'est que treizième. Les « privés » sont repoussés assez loin : Siffert est neuvième, Courage dixième, Elford onzième.
Il faut attendre le douzième rang pour trouver Hill qui a peu tourné à cause d'une panne de moteur. Les Lotus 4x4 de Miles (14ème) et Bonnier (16ème) fonctionnent mal, tout comme la McLaren M9 de Bell (14ème). Enfin, Beltoise a dû se rabattre sur la Matra MS84 4x4, voiture lourde dans laquelle il est très mal installé. Le pauvre Français partira dix-septième et bon dernier.
Le Grand Prix
Plus de cent mille spectateurs ceinturent les grandes courbes de l'ancien aérodrome. Le ciel est gris mais la chaleur est lourde et moite. Nouveau contre-temps pour Graham Hill qui doit encore changer de moteur peu avant le coup d'envoi. En lever de rideau du Grand Prix se déroule l'épreuve de Formule 3 remportée par Alan Rollinson sur Chevron.
Départ : A cause d'une hésitation du starter, Rindt, Ickx et surtout Surtees anticipent le départ. Rindt conserve la première place à Copse devant Stewart, Surtees, Hulme et Rodríguez, très bien parti. Ickx a levé le pied après son faux départ et se retrouve englué dans le peloton.
1er tour : Surtees casse une articulation de suspension avant au freinage de Stowe et la BRM tire tout droit dans la poussière. Rindt est premier devant Stewart, Hulme, Rodríguez, McLaren, Amon, Courage, Hill, Siffert et Ickx. Surtees ramène sa voiture au garage.
2e : Rindt et Stewart creusent l'écart devant Hulme. Le peloton est très compact.
3e : Rindt est premier devant Stewart (0.8s.) et Hulme (4s.). A sept secondes, McLaren prend l'avantage sur Rodríguez. Ickx talonne Siffert.
4e : Bell part en tête-à-queue suite à une crevaison. Il peut redémarrer et regagne son stand.
5e : Rindt précède Stewart (1s.), Hulme (7s.), McLaren (12s.), Rodríguez (14s.), Amon (15s.), Courage (16s.) et Hill (17s.). Ickx déborde Siffert. Bell renonce car il a abîmé sa suspension en sortant de la route.
6e : Stewart est dans la roue de Rindt. Ickx dépasse Hill.
7e : Stewart dépasse Rindt à Becketts et s'empare du commandement de l'épreuve. Rindt riposte dans Hangar Straight et déborde la Matra. Toutefois, Stewart est le mieux placé au freinage de Stowe et reste devant. Ickx double Courage. Bonnier abandonne à cause d'une rupture de canalisation d'huile.
8e : Rindt n'est pas décidé à laisser Stewart s'échapper et reste derrière lui. Insatiable, Ickx prend la sixième place à Amon.
10e : Ickx dépossède Rodríguez de la cinquième position et prend ainsi la tête du peloton de chasse.
11e : Stewart mène devant Rindt (0.8s.), Hulme (16s.), McLaren (22s.), Ickx (26s.), Rodríguez (28s.), Amon (29s.), Courage (30s.), Hill (31s.) et Siffert (36s.). Suivent Elford, Miles, Oliver et Beltoise.
12e : Courage double Amon qui doit se battre avec une quatrième vitesse instable.
13e : Courage laisse Rodríguez sur place : le Mexicain perd peu à peu ses chevaux. Également à la peine, Amon doit céder le passage à Hill.
14e : La bagarre fait rage entre Stewart et Rindt. Tous deux prennent un tour à Beltoise qui, à cause de son bras bloqué, souffre le martyr au volant d'une Matra 4x4 à la direction extrêmement dure.
15e : Stewart devance Rindt (0.6s.), Hulme (23s.), McLaren (30s.), Ickx (34s.) et Courage (38s.). Hill dépasse Rodríguez et Amon s'incline devant Siffert.
16e : Rindt déborde Stewart au virage de Becketts : le voici de retour à la première place.
18e : Stewart demeure dans le sillage de Rindt. Les deux amis s'en donnent à cœur joie. Stewart se défait de sa sobriété habituelle pour suivre le fougueux Autrichien. Beaucoup plus loin, Hulme s'aperçoit que son accélérateur s'est coincé en pleine ouverture. Le moteur souffre en conséquence.
20e : Rindt précède Stewart (1s.), Hulme (30s.), McLaren (34s.), Ickx (36s.), Courage (41s.) et Hill (43s.). Siffert dépasse Rodríguez.
21e : Hulme baisse son rythme car son arbre à cames est sur le point de lâcher. Ickx est sur les talons de McLaren. Oliver met pied à terre, transmission cassée.
22e : Hulme doit laisser passer McLaren et Ickx. Amon double son équipier Rodríguez.
24e : Deux batailles en haut de la hiérarchie : Stewart menace toujours Rindt tandis qu'Ickx fait le « forcing » derrière McLaren. Hulme ralentit considérablement.
26e : Ickx attaque McLaren qui verrouille toutes les ouvertures. Ces deux hommes naviguent à trente-cinq secondes du couple Rindt - Stewart.
27e : Hulme s'arrête au stand McLaren. On vérifie son allumage mais on s'aperçoit bientôt que tout le système de distribution est endommagé. Le Néo-Zélandais n'a plus qu'à retirer son casque.
28e : Elford cède un tour aux leaders. Ickx dépasse McLaren par l'intérieur au freinage de Woodcote. Courage rencontre des problèmes avec son moteur qui fonctionne par à-coups. Il est doublé par Hill et par Siffert.
30e : Rindt est premier devant Stewart (0.5s.), Ickx (43s.), McLaren (45s.), Hill (58s.), Siffert (59s.), Courage (1m. 01s.) et Amon (1m. 02s.).
32e : A cause d'un aileron avant mal fixé, Hill doit lever le pied. Il ouvre la porte devant Siffert, Courage et Amon.
35e : Toujours roues dans roues, Rindt et Stewart rattrapent le gros du peloton emmené par Siffert.
36e : Nouveaux ennuis de moteur pour Courage qui laisse passer Amon et Hill.
37e : Rodríguez ouvre le passage aux deux leaders.
38e : Courage s'efface devant Rindt et Stewart.
39e : Rindt et Stewart arrivent sur les retardataires. Hill, Amon et Siffert ouvrent sportivement la porte aux deux premiers, mais à ce petit jeu Rindt passe plus facilement que Stewart. Siffert perd trois places car il rencontre un souci de boîte de vitesses.
40e : Rindt porte son avance sur Stewart à deux secondes en doublant les attardés.
41e : Après avoir laissé passer les premiers, Hill parvient à se détacher d'Amon et de Courage.
43e : Stewart concède maintenant deux secondes et demie à Rindt qui paraît maîtriser la course. L'Écossais n'a pas la partie facile car il n'a plus d'embrayage depuis le départ.
44e : Rindt est en tête devant Stewart (2.4s.), Ickx (1m.), McLaren (1m. 14s.), Hill (-1t.), Amon (-1t.), Courage (-1t.), Siffert (-1t.), Rodríguez (-1t.), Elford (-1t.), Miles (-1t.) et Beltoise (-3t.).
46e : Amon ralentit car sa boîte de vitesses est bloquée. Il rentre à son garage pour abandonner. Cela va mieux pour Siffert qui rattrape Courage
48e : Malgré tous ses efforts, Stewart ne rattrape pas Rindt. L'intervalle se chiffre maintenant à trois secondes. Siffert attaque Courage à Copse mais il dérape à la sortie du virage et laboure la pelouse.
49e : Siffert déborde à nouveau Courage à Copse et cette fois-ci le dépasse sans problème.
50e : Trois secondes séparent Rindt et Stewart. McLaren voit ceux-ci grossir dans ses rétroviseurs.
52e : McLaren laisse passer Rindt puis Stewart.
54e : Problème pour Rindt : la cloison marginale gauche qui borde son aileron arrière commence à se détacher. L'extrémité se recourbe et touche le pneu dans les virages. Tout ceci ralentit la Lotus et l'avance de son pilote décroît.
55e : Rindt mène devant Stewart (2.6s.), Ickx (1m. 18s.), Hill (-1t.), Amon (-1t.), Siffert (-1t.), Courage (-1t.), Rodríguez (-1t.), Elford (-1t.), Miles (-2t.) et Beltoise (-4t.).
56e : Rindt et Stewart prennent un tour à Ickx. Siffert rencontre de nouveaux soucis avec sa boîte et laisse filer Courage et Rodríguez.
57e : Stewart réalise le meilleur temps de l'épreuve : 1'21''3'''.
58e : Stewart est revenu à moins de deux secondes de Rindt. Miles revient à son stand avec une boîte de vitesses bloquée en troisième. Il sort de sa voiture, mais repartira quelques minutes plus tard sans que son problème soit résolu.
59e : Il n'y a plus qu'une seconde entre Rindt et Stewart.
60e : Stewart égale son meilleur chrono et semble paré à l'abordage sur Rindt.
62e : Stewart déborde Rindt par l'intérieur avant Stowe et reprend la première place. En fin de tour, comprenant que la victoire s'est envolée, Rindt s'arrête au stand Lotus. Ses mécaniciens arrachent le morceau d'aileron qui frottait la roue et l'Autrichien repart à bride abattue.
63e : Stewart a désormais trente-cinq secondes d'avance sur Rindt qui a conservé la seconde place. Rodríguez abandonne, moteur Ferrari cassé.
64e : Courage prend la cinquième place à Hill.
65e : La course n'est pas tout à fait jouée : le moteur de Stewart « ratatouille » dans les courbes à gauche à cause d'un défaut d'alimentation. De trente-quatre secondes, son avance sur Rindt est tombée à trente secondes.
66e : Hill harcèle Courage. Siffert roule désormais lentement à cause de sa boîte bloquée.
68e : Vingt-huit secondes séparent Stewart et Rindt.
69e : Hill repasse devant Courage à Stowe. Peut-être déstabilisé, le jeune Anglais heurte ensuite un cône à Woodcote et endommage sa moustache avant-droite.
70e : Stewart est premier devant Rindt (27s.), Ickx (-1t.), McLaren (-1t.), Hill (-1t.), Courage (-1t.), Siffert (-1t.), Elford (-2t.), Beltoise (-5t.) et Miles (-6t.).
71e : Courage poursuit malgré son train avant abîmé mais renonce à poursuivre Hill.
73e : Le retard de Rindt diminue légèrement, mais pas suffisamment pour inquiéter Stewart. Il se monte encore à vingt-quatre secondes.
75e : Rindt est prudent car son niveau d'essence descend dangereusement. Ce problème de consommation affecte en fait toutes les Lotus en piste, celle de Siffert comprise.
77e : Hill est au bord de la panne sèche et ralentit lui aussi. C'est la panique dans le stand Lotus : on se précipite sur les bidons d'essence et les entonnoirs.
78e : Rindt arrive aux stands pour rajouter quelques litres d'essence dans son réservoir. Le pilote autrichien reprend la piste juste devant Courage. Sur ces entrefaites, Hill arrive aussi au garage Lotus, également pour remettre du carburant. Il redémarre derrière Siffert et Elford.
79e : Stewart est en tête avec un tour d'avance sur Ickx et McLaren. Rindt est quatrième mais se trouve sous la menace de Courage qui a semble-t-il oublié son déflecteur cassé. Siffert s'immobilise au stand Walker pour ravitailler et cède ainsi la sixième place à Elford.
81e : Stewart roule vers le succès devant Ickx (-1t.), McLaren (-1t.), Rindt (-1t.), Courage (-1t.), Elford (-2t.), Hill (-2t.) et Siffert (-3t.).
82e : Courage prend la quatrième place à Rindt qui sans doute ignore dans quel tour se trouve la Brabham de son adversaire.
84ème et dernier tour : Rindt parvient in extremis à ravir la quatrième place à Courage au prix d'une âpre lutte.
Jackie Stewart remporte pour la première fois le GP de Grande-Bretagne. Se trouvant également à court d'essence, Ickx franchit la ligne d'arrivée en roue libre mais préserve sa deuxième place, quelques secondes devant McLaren. Le malheureux Rindt termine quatrième et ouvre au moins enfin son compteur. Courage et Elford finissent aussi dans les points. Suivent Hill, Siffert, Beltoise et Miles qui termine très attardé.
Après la course
Stewart est bien sûr très satisfait de ce succès à domicile, d'autant plus que c'est la première fois qu'il gagne en présence de son père. C'est aussi la liesse du côté de Dunlop qui triomphe sur ses terres, à quelques pas de son siège à Birmingham. Alec Maskell, Ian Mills, Dick Jeffrey, Dan Keiley, Bill Bailey, tous les ingénieurs de la marque entourent Stewart. Ce dernier est aussi félicité par le duc de Kent, en visite à Silverstone.
Le duel entre Jackie Stewart et Jochen Rindt a suscité l'euphorie chez un public de connaisseurs. On se demande si sans ses problèmes mécaniques Rindt l'aurait emporté. Depuis la mort de Jim Clark, on se pose la question de savoir lequel de ces deux champions, parfaits amis dans la vie, est le plus rapide. En Formule 2, Rindt gagne souvent mais ne domine pas Stewart. En revanche, en Formule 1, l'Écossais fonce vers son premier titre mondial tandis que l'Autrichien en est encore à chercher sa première victoire. En outre, leurs approches respectives de la conduite les séparent : Rindt possède un style débridé et est un adepte des trajectoires fantaisistes, tandis que Stewart roule tout en délicatesse et ne maltraite jamais sa mécanique.
Avec cinq victoires en six courses, Stewart assomme pour de bon la compétition mondiale. Il affiche un total de 45 points et précède nettement le peloton de ses poursuivants. McLaren est désormais second avec 17 points, devant Hill (16 pts), Siffert et Ickx (13 pts), Hulme et Beltoise (11 pts). La question n'est donc plus de savoir si Stewart sera champion du monde, mais quand. De même, Matra-Ford se dirige tranquillement vers sa première coupe des constructeurs. La combinaison franco-anglaise possède vingt points d'avance sur le Golf Leaf Team Lotus.
Tony